Dispensable... si vous estimez en connaître suffisamment sur le grand homme.
Les grandes lignes, l'homme privé, l'homme public, son action, sont déroulées au cours d'une exposition globalement complète. Sa visite est longue (trois heures et en ayant passé rapidement la partie consacrée à la modernisation du pays et à mai 1968) et bruyante (il faut parfois faire un grand effort pour faire abstraction des sons qui sortent des différentes étapes de l'exposition). Quelques anecdotes à glaner mais rien de renversant. Accueil efficace.
Le traitement réservé aux années 1930 et à 1940 mériterait d'être revu. Encore et toujours, l'influence du livre « Vers l'armée de métier » sur les conceptions tactiques de la Wehrmacht nouvelle est très largement surévaluée (Hervé Gaymard lui-même s'y fait prendre dans la préface qu'il signe à l'occasion de la réédition récente du livre – mais il n'est pas historien). Les accords de Munich, bien que pourtant illustrés, sont passés sous silence et la prise des Sudètes par les Allemands est confondu avec l'invasion du reste de Tchécoslovaquie en mars 1939. Des erreurs grossières concernent la ligne Maginot, son tracé, ses représentations, son rôle et l'opinion que de Gaulle pouvait avoir sur la fortification. Une mise en scène bizarre figure la percée allemande de 1940 avec la maquette d'un bloc d'ouvrage seul et des modèles réduits de Tigre II, me semble-t-il, ou en tout cas de matériels allemands pas représentatifs de cette campagne. Les quelques succès français de 1940, sans lendemain et conséquences sur le sort de nos armes, à commencer par ceux de De Gaulle, sont considérés comme des « victoires ».
Les effets des grands chantiers du gaullisme (Ve République, aménagements du territoire, "décolonisation"...) gagneraient maintenant à être mieux nuancés.
Sur l'ensemble de l'expo, beaucoup de reproductions de documents (manuscrits, affiches politiques, dessins...) sont seulement là pour illustrer, pour ajouter des images aux images - c'est le tort de beaucoup de productions d'histoire contemporaine - , sans présentation en propre. Manque, au choix : l'auteur, le fonds dont ils sont issus, la date... La lisibilité n'est pas toujours au rendez-vous (article de 1940 concernant l'appel du 18 juin ; les vignettes sur le « dingaullisme » dont la lecture nécessite quelques contorsions). Les instruments de la muséo commencent à souffrir du temps et de la fréquentation : pages déchirées, graffiti (mention spéciale au plaisantin qui a fait une antenne sur le plan de la maison nouvelle du Général), bornes dégradées (le témoignage de Lucien Neuwirth est inaudible par exemple).
A la boutique, seule la vieille biographie de Max Gallo est disponible. Curieusement, les travaux les plus récents sont absents : la biographie écrite par Julian Jackson, pas exempt de défauts, certes, mais bonne synthèse, bien sourcée, et le premier tome de la série que vient de commencer Jean-Luc Barré. Bizarrement, pas d'ouvrages consacrées à Yvonne de Gaulle (coucou Frédérique Neau-Dufour, pourtant membre du comité scientifique du musée) ni de choses génériques concernant la guerre ou la Résistance (saufs pour les enfants ou sur l'histoire locale).
Un certain nombre de visiteurs font l'aller-retour entre musée et parking lorsqu'ils s'aperçoivent que l'accès à la Croix est payant. Je comprends le choix de faire payer car le monument doit être entretenu. D'un autre côté, construit sur la base d'une souscription nationale, il peut paraître normal que ce symbole d'un gaullisme populaire et toujours actuel, sentimental, à défaut d'être politique, reste libre d'accès. Par ailleurs, le sommet de la colline, où se trouve la Croix de Lorraine, est bien aménagé. Un parcours avec les panneaux explicatifs est bien fait et donne un vrai supplément d'âme au lieu mais mériterait d'être mieux fléché.
Si vous visitez la Boisserie (à l'autre bout de la commune), en plus du Mémorial, plus un tour dans Colombey, joli village bien entretenu, au demeurant, et sur la tombe du Général, il y a de quoi passer facilement une...
Read moreLe domaine de La Boisserie, ancienne résidence personnelle du général de Gaulle à Colombey les Deux Églises en Haute-Marne, est depuis 19801 un musée ouvert à la visite, propriété de la famille de Gaulle et ancienne propriété de l'amiral Philippe de Gaulle. Cette maison, construite aux environs de 1810, devient la brasserie du village de Colombey, fondée en 1843, et le domaine porte pendant longtemps le nom de « la Brasserie », avant de passer progressivement à celui de « la Boisserie ». Cette gentilhommière de quatorze pièces, recouverte de vigne vierge et entourée d'un vaste terrain de 2,5 ha, comporte un rez-de-chaussée de trois pièces avec un seul étage disposant de six chambres, complétée d'un pavillon adjacent. Avant son achat par la famille de Gaulle, l'écrivain américain Eugène Jolas et son épouse, la traductrice Maria McDonald(parents de la compositrice Betsy Jolas), louent un temps la propriété3. C'est le 9 juin 1934 que le lieutenant-colonel Charles de Gaulle et son épouse Yvonne font une « bonne affaire » en l'achetant en viager. À l'époque, la propriétaire des lieux, Alice Bombal, veuve d'un architecte parisien, en propose le viager au prix de 45 000 francs — à une époque où une voiture 7 CV Citroën vaut 17 000 francs — contre une rente annuelle de 6 000 francs. Alice Bombal meurt deux ans après la vente, se noyant dans sa baignoire4. Le couple désire que leur benjamine Anne, trisomique gravement handicapée, bénéficie du grand air de la campagne champenoise dans cette maison de vacances et soit protégée de l'indiscrétion du public. Anne de Gaulle aime d'ailleurs particulièrement les séjours à la Boisserie, jusqu'à sa mort en février 1948. De plus, la résidence est, avant la guerre, proche de l'affectation du colonel de Gaulle au 507e régiment de chars de combat, cantonné à Metz de juillet 1937 à septembre 1939. Si en août 1939 de Gaulle y apprend la nouvelle du pacte germano-soviétique, la famille n'y vient pas souvent durant cette décennie. Le 3 août 1940, les biens du Général sont confisqués et une vente publique est organisée mais personne ne se portera acquéreur de la Boisserie. La Boisserie n'est pas une habitation luxueuse : au moment de l'acquisition, elle n'est raccordée ni au réseau d'eau, ni au réseau téléphonique. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, après qu'elle a été pillée et partiellement incendiée en 1944, les principales améliorations sont apportées, comme l'eau chaude et le chauffage central. En 1946, de Gaulle fait construire la tour hexagonale en moellons coiffée de vieilles tuiles du pays, au rez-de-chaussée de laquelle il installe son cabinet de travail d'où, d'un regard, il peut embrasser le paysage immense et sauvage. De Gaulle aime venir se reposer dans ce qu'il considère comme sa vraie et sa seule demeure, notamment lors de sa « traversée du désert » politique. Il écrit par exemple : « Colombey me manque. Je ne me vois pas vivre ailleurs ». Il s'y réfugie pour prendre les décisions importantes, dans le calme et la solitude. Même élu président de la République française, il refuse au départ de séjourner à l'Élysée, contrairement au protocole. Il finit par habiter le palais présidentiel mais continue de passer beaucoup de temps et un week-end sur deux en famille à Colombey. En 1969, de Gaulle démissionne et se retire dans sa maison avec son épouse. Il y meurt le 9 novembre 19705. Yvonne de Gaulle réside à la Boisserie jusqu'en 1978, date à laquelle elle la quitte définitivement pour Paris, où elle entre à la maison de retraite des sœurs de l'Immaculée-Conception. Elle meurt un an plus tard à l'hôpital du Val-de-Grâce, à l'âge de 79 ans, le 8 novembre 1979, veille du 9e anniversaire de la mort de son mari. La maison et son parc, y compris la clôture donnant sur la rue, sont inscrits aux monuments historiques par un arrêté du 6 septembre 20046. La résidence est labellisée Maisons des...
Read moreUne visite intéressante au Mémorial Charles de Gaulle, nuancée par le tumulte des groupes Le Mémorial Charles de Gaulle à Colombey-les-Deux-Églises offre indéniablement une plongée captivante dans la vie et l'œuvre de l'homme d'État. L'institution a manifestement mis un soin particulier dans la conception de ses espaces, présentant une scénographie excellente qui contribue grandement à rendre la visite intéressante et immersive. Les expositions sont riches, bien agencées et permettent de saisir l'importance du Général dans l'histoire de France à travers des présentations soignées et modernes. Cependant, l'expérience, bien que très positive sur le fond, peut se trouver gâchée par un aspect logistique : la gestion des groupes de visiteurs. Il a été constaté que les guides accompagnant ces groupes ont tendance à parler beaucoup trop fort, créant un brouhaha qui peut nuire à la contemplation et à la bonne appréhension des informations par les visiteurs individuels. Dans un lieu de mémoire et d'histoire qui invite au recueillement et à la concentration, cette nuisance sonore peut fortement impacter la qualité de la visite pour ceux qui souhaitent découvrir le mémorial à leur propre rythme et dans une atmosphère plus posée. En résumé, le Mémorial Charles de Gaulle est un site remarquable pour son contenu et sa présentation, un lieu de mémoire essentiel, soigné et doté de scénographies de grande qualité. Il est toutefois regrettable que l'expérience individuelle puisse être perturbée par le volume excessif des commentaires des guides de groupe. Une meilleure régulation sonore lors des visites accompagnées améliorerait considérablement le confort et l'immersion pour l'ensemble...
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