Nous atteignons l'Auberge la Ferme à Aubagne située dans un nid de verdure au pied des Alpilles, scène bucolique tant affectionnée par Marcel Pagnol. Cet écrivain écrivit une tétralogie, Les Souvenirs d’Enfance qui contient La Gloire de mon Père, Le Château de ma Mère, Le Temps des Secrets ainsi que Le Temps des Amours qui relatent son enfance, ses vacances et ses émois sentimentaux. Le théâtre pastoral et pittoresque de cette narration se situe dans les collines du Garlaban qui surplombent la ville d’Aubagne.
Dès que nous franchissons la porte, nous sommes émerveillés par le cadre de la bâtisse typiquement provençale. Une somptueuse cheminée en pierre où les bûches brasillent gaiement, sied au milieu d'une salle au décor élégant qui s'harmonise avec l'atmosphère chaleureuse de l'accueil qui nous est dédié. De ça et là, des peintures ornent les murs qui font furieusement penser à l’œuvre de Vincent Van Gogh. L’auteur n’est tout autre que la sœur de notre hôtesse.
Une multitude d'assiettes anciennes aux sculptures en ronde-bosse faites de santons aux tons occitans, garnissent le mur.
Pas de carte.
Telle une illustre oratrice des théâtres lyriques à l'accent chantant, très expressive, Patricia, la patronne des lieux, déclame une tirade de plats avec une éloquence à vous couper le souffle. Nous sommes pendus à ses lèvres. Cette poésie nous donne l'eau à la bouche.
Pour agrémenter son menu, Jean-Louis, le maître de ballet, choisit avec soin les produits locaux qui chatouilleront avec délicatesse nos papilles.
Pour commencer, l'apéritif, un kir maison, des amuse-bouche : une tapenade d'olives noires et un chutney aux figues posés sur du pain grillé.
En guise d’entrée, du pâté de sanglier est surmonté de quelques girolles légèrement poêlées à l'huile d'olive et agrémenté de jeunes pousses en salade.
Pour le plat de résistance, une souris d'agneau aux arômes du terroir, à la chair tendre à souhait a été cuite pendant six heures et demie. Elle est parée de champignons des bois et de légumes du jardin.
Comme Maurice et moi ne connaissions pas les pieds paquets, spécialité marseillaise, une cassolette nous est offerte.
Une apostille est à noter avant de continuer le détail de ces mets savoureux.
L’origine des pieds paquets remonterait à la création de la cité phocéenne, il y a deux mille six cents ans. Gypsis, princesse celto-ligure dont la tribu régnait dans la région, pressée de se marier par le roi, son père, choisit Protis, un capitaine phocéen qui venait de débarquer. Elle lui offrit d'abord une coupe de vin, puis, en gage d’amour, des pansettes d’agneau roulées, farcies de chair et d’herbes odorantes. Ce plat devint l’ancêtre des paquets marseillais, auxquels on ajoutera plus tard les pieds d'agneau.
En réalité, cette recette fut imaginée à la fin du 19e siècle. Il était alors le casse-croûte traditionnel des ouvriers, devenu plus tard la coutume pour le souper de Noël.
Pour cette tentative innovante, nous devons faire un vœu. J'espère que le mien fonctionnera.
Je fais l'impasse sur les fromage : une toute petite part de fromage de chèvre et sa confiture de figues est proposée par la maîtresse de maison avec une moue assez convaincante. A l'arrivée du plat, Maurice lui demande si elle n'est pas un peu Pinocchio. En fait, de "petite" , il fallait comprendre un bon morceau. Pour se faire pardonner, Patricia de son air coquin, vient s'asseoir sur les genoux de mon homme, en tout bien, tout honneur.
Pour reposer notre ventre comblé, un sorbet de poire à l'alcool Poire William, un café bien fort et ses mignardises achèvent ce festin typique.
Depuis plusieurs décennies, Jean-Louis et Patricia se dévouent et travaillent sans relâche afin que le moment passé chez eux demeure inoubliable grâce à leur art culinaire abondant et authentique. On ne croyait pas...
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