Aujourd'hui, j'étais en Espagne. J'ai donc réussi à surmonter ma peur des Catalans. Mais c'était difficile.
Pour y arriver, il a d'abord fallu prendre des forces : j'ai mangé un croissant catalan. C'est un croissant, mais frit (!), et fourré à la crème pâtissière (!!). C'était très très bon (je pourrais passer ma vie à manger des fritures), et le temps de digérer ça, vous n'avez pas l'énergie pour vous énerver sur autre chose.
Immédiatement après, nous avons rencontré un grand chien de chasse catalan, qui a couru sur nous en aboyant les pires menaces de mort que j'ai jamais entendues (même si c'était en langage chien catalan) : j'avais déjà fait ma prière, mais tout en aboyant, il s'est soudain collé, avec une tendresse absolument enflammée, contre les cuisses de mon compagnon, pour se faire caresser. (Et quand on sait que mon compagnon a la phobie des chiens, on trouve la situation encore plus cocasse.) Son humaine était très gênée, elle nous a fait signe, en riant, que son chien ne tournait pas très rond. Ce qui, comment dire, ne nous a pas réellement rassurés.
Nous avons emprunté les marches du mémorial à Walter Benjamin, une œuvre qui s'appelle "Passages" et qui nous a fortement émus. On ne divulgâchera pas la chose : si vous souhaitez faire l'expérience vous-même, vous ressentirez peut-être, vous aussi, le passage, en vous, des émotions de surprise, de peur, d'étouffement, de descente dans le désespoir, de blocage, d'impasse, d'espoir, de courage, d'allègement, de renaissance... Hommage, aussi, à tous les exilés.
Aujourd'hui, j'étais en Espagne. Un bel exil. Au retour, le train était si bondé que l'on ne pouvait plus poser un seul pied dans une de ses allées. Le genre de situation où, par instinct de survie, les gens rongent leur frein, pour ne pas exploser de colère, dans un silence assourdissant, menaçant, tendu comme une arbalète. Mais quelques-uns craquent, et le ton monte, "votre sac me touche !" "vous croyez que je suis confortable ??", le ton monte, les insultes fusent, les gens calmes voient le moment où tout le monde va se taper dessus, et il ne faut pas que ça arrive, parce qu'on n'aurait pas la place de se battre.
Par là-dessus, alors qu'on avait déjà pris 15 minutes de retard pour attendre qu'un maximum de gens se tasse dans le train, coup sur coup deux autres personnes ont craqué aussi, en faisant des malaises. Enclenchement de signal d'alarme, freinage brusque, arrêt, débarquement des malades, attente des pompiers (car, c'est mignon, on n'abandonne pas les malades, seuls sur le quai). Tout le monde était encore plus énervé. Surtout la contrôleuse, qui s'était cachée quelque part, et ne voulait même plus nous parler dans son micro.
Alors, il s'est passé un truc que je n'avais jamais vu auparavant. Le conducteur du train nous a parlé. Dans le haut-parleur. Il avait une belle voix, un peu fragile, mais déterminée. Il a pris la parole, il a soupiré, il a choisi ses mots avec soin, et il a dit qu'il était désolé. Qu'on saccageait son travail, en nous faisant voyager dans une telle promiscuité. Qu'il avait pris des photos, qu'il allait faire remonter. Qu'il était fier de "tirer des trains" depuis 28 ans, mais que là, il avait honte. Très sincèrement. Tellement honte. Il était tellement expressif, il nous a tellement émus, mon compagnon et moi, qu'on a ri. Mon compagnon a applaudi. Le wagon, lui, est resté silencieux, prostré. Sauf un type qui a dit en ricanant : "C'était pas la peine de parler pour dire des trucs qui servent à rien."
En arrivant, on est allé bavarder avec le conducteur. La dame dans le micro de la gare, elle a dû écourter notre échange, parce qu'il fallait aller ranger le train.
Voilà. La vie, parfois. On part, tambour battant, à la rencontre des terrifiants Catalans, et le trésor, finalement, on le trouve en revenant à son point de départ. C'est une belle voix, c'est une âme belle, c'est une étoile au milieu du chaos. Tout...
Read morePeregrinación a las fuentes
Huyendo de los nazis, Walter Benjamin, una de las mentes más lúcidas del siglo XX, llegó a Portbou, donde fue demorado. Creyó (equivocadamente) que iban a devolverlo a Francia y se suicidó con cianuro. Dejó el dibujo de Klee, el Angelus Novus, y las Tesis de la Filosofía de la Historia. Hoy hay un memorial, conceptualmente ambiguo, al lado del cementerio de Port Bou, que lo homenajea. El paseo es un poco melancólico, pero también un poco mágico. El paisaje de Portbou es extraordinario y en la frontera con Francia hay un recordatorio de los muertos durante la Guerra Civil Española, y un monumento franquista horrendo, que nos advierte sobre lo que tal vez, alguna vez, pueda volver. Conviene detenerse una hora o dos en Portbou, como para saber para qué lado...
Read moreThis is a really nice memorial, in a very beautiful location on the hilltop looking out over the water. We also did the Walter Benjamin hike before visiting here (walking from Banyuls-Sur-mer to Portbou) and finished at the memorial. It feels like a very...
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